Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1904, Tome 4.djvu/481

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
477
LE DESSAISISSEMENT


toires », — ce qui était un mensonge, puisque la première version des cryptographes, quelque inexacte qu’elle fût, n’incriminait pas Dreyfus[1].

Il y avait, dans un des cartons du ministère de la Guerre, une pièce singulièrement suggestive : c’était le récit d’un entretien que le commandant de Fontenillat, sous-chef du 2e bureau, avait eu, le 6 novembre 1897, avec Panizzardi. L’italien, à qui Fontenillat rendait visite, lui avait donné sa parole de soldat qu’il n’avait jamais eu de rapport avec Dreyfus et que Schwarzkoppen lui avait fait, sur l’honneur, la même déclaration[2]. Or, Cuignet, comme Gonse, connaissait cette pièce quand il affirma que le dossier qu’il remettait à la Cour était complet, et il n’en dit rien, même pour taxer d’imposture Panizzardi et Schwarzkoppen, ou Fontenillat lui-même, ce qui n’eût pas été plus surprenant que le reste.

D’autres pièces encore, comme on l’apprit par la suite, manquaient au dossier, les unes en minute, les autres, dont la minute a disparu, recopiées (plus ou moins exactement) par Henry. D’abord une dépêche de l’État-Major italien à Panizzardi, du 31 décembre 1894, dix jours après la condamnation de Dreyfus ; il y était recommande à l’attaché « d’interrompre pour quelque temps toute relation compromettante ». Il avait donc un agent à sa solde qui n’était pas

  1. Cass., I, 363 ; Enq. Mazeau, 30, Cuignet ; lettre de Delcassé à Freycinet, du 9 février 1899 ; de Cuignet à Freycinet, du 10 ; de Freycinet à Delcassé, du 12 ; de Delcassé à Freycinet du 27, au compte rendu sténographique de la séance de la Chambre du 12 mai 1899. — Sur la dépêche Panizzardi, voir t. I, 248, et III, 599 et suiv. — Cet incident fut aussitôt travesti par le Gaulois : « Dumas, troussant sa robe, apostropha le témoin, fit un pas vers lui… » etc.
  2. Enquête de 1903.