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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


dent de la compagnie diffamée d’en informer quand même (c’est-à-dire la chose du monde la plus contradictoire), ils capitulaient (avec des phrases, comme les républicains l’avaient tant reproché à Trochu et à Ducrot), se mettaient au travers de la Justice. Du coup, malgré les huées qui avaient accueilli Cavaignac, les enquêteurs devenaient enquêtés, les juges accusés, — déjà coupables.

Quel crédit leur reste pour frapper la collusion de l’État-Major et d’Esterhazy, eux qui ont colludé avec Picquart ? pour innocenter Dreyfus, eux qui ont trahi à leur tour ? Et alors même que les divagations et les calomnies s’effondreront, ils n’en auront pas moins été suspectés. — C’est un fait qu’ils ne sont pas de ceux dont on s’écrie, tout d’une voix, s’ils sont accusés de félonie : « Ce n’est pas possible ! » — Enfin, l’absurdité même, l’inanité des imputations de Quesnay les rendaient plus redoutables. Quand Lebret observa « que Billot et Roget eurent également à leur disposition la carafe d’eau et le flacon de rhum », bon pour Humbert, l’ancien rédacteur du Père Duchêne, de s’écrier : « Ceux-là n’étaient pas prévenus de faux ! » (Même les assommeurs de Guérin n’auraient pas refusé à boire à un défenseur de Dreyfus.) Mais le gros du peuple et de l’armée ne croira pas que les juges ont démérité seulement pour un grog chaud. Évidemment, il y a autre chose, et quoi donc, si ce n’est le vieux crime à tout faire, qui explique tout, l’or corrupteur des juifs ? Une fois de plus, Drumont, Rochefort, ont eu raison.

Du premier jour, les écrivains revisionnistes avaient dénoncé où tendaient la manœuvre de Quesnay, le plan des militaires, des politiciens, qui cultivèrent sa démence la firent éclater. On peut croire, pourtant, que