Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1904, Tome 4.djvu/53

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
49
CAVAIGNAC MINISTRE


timent de se heurter à quelque chose de plus fort qu’il ne l’avait supposé.

Il y avait une explication très simple à cette résistance acharnée : la force de la vérité, la foi profonde de cette poignée de combattants dans la justice des choses qui finirait bien par triompher de l’injustice des hommes. Mais il y avait aussi une autre explication qui était vile ; c’était celle de Cavaignac. Il croyait au Syndicat.

De Syndicat, même de comité directeur, j’ai dit déjà qu’il n’y en eût jamais. La Ligue des Droits, sous la présidence de Trarieux, n’eut, à aucun moment, la prétention de centraliser la résistance, de conduire les opérations. Elle avait un programme précis : « Maintenir l’égalité de tous les Français devant la loi, sans distinction d’origine, de classe, de race, de religion, de croyance[1] », opposer à la contre-révolution les principes de la Révolution. Ce fut son thème constant. Pour l’argent, des journaux en reçurent, mais sous la forme la plus régulière, souscription d’actions et abonnements de propagande, et comme c’était bien le droit des riches, qu’ils fussent juifs ou protestants ou libres-penseurs, d’appuyer une cause qui leur paraissait bonne et d’aider à la diffusion de leurs idées. Ils avaient usé, à toutes les époques troublées ou pacifiques, de ce droit qui jamais ne leur avait été contesté et qui ne pouvait l’être sans absurdité. Leur seul tort fut de ne pas souscrire ouvertement, comme les républicains l’avaient fait autrefois et comme on l’eût fait en Angleterre. L’argent lui-même était devenu timide sous l’injure et le chantage. D’ailleurs, il fut toujours moins abondant au camp de la Revision que dans le camp

  1. Discours de Trarieux, le 4 juin 1898.
4