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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


criminelle. Dupuy n’y objecta point, mais sans prévoir que Millerand en tirerait cette conclusion : « L’autre enquête, celle de la Chambre criminelle, il faut qu’elle soit, elle aussi, imprimée, publiée, connue. » Le coup était droit ; Dupuy marchanda : « Si la Chambre vote noire projet, l’enquête sera imprimée, mise sous les yeux de tous les conseillers. »

La droite et les nationalistes eussent voulu que le projet fût envoyé à une nouvelle Commission, mais il fut renvoyé à l’ancienne[1].

Il faut qu’une loi, comme une construction quelconque, repose sur quelque chose : sur le roc ou sur la boue ; on ne bâtit pas en l’air. La loi de Lebret était issue des dénonciations de Quesnay. Elle ne pouvait pas s’en désembourber. En vain cherchait-elle à s’élever à la raison (au crime) d’État. Elle retombait aux basses calomnies.

À peine la Commission eût-elle regardé au dossier de Mazeau qu’elle y constata de suspectes lacunes. Plusieurs des articulations de Quesnay, sur Leblois, qui avait épousé la fille d’un basochien strasbourgeois, ancien clerc chez le frère de Lœw, et qui avait plaidé pour une Société de tissage où le fils de Lœw était administrateur ; celles de Roget et de Cuignet, sur l’attitude des conseillers à l’égard des généraux, « n’avaient pas été communiquées aux intéressés ». « En ne réfutant pas des griefs qui leur était inconnus, les juges paraissaient ne pas répondre parce qu’il n’y avait rien à répondre[2]. »

La Commission fit venir Dupuy et Lebret, leur signala cette déloyauté (qu’ils connaissaient), exigea un supplément d’enquête (2 février).

  1. Par 311 voix contre 176.
  2. Renault Morlière, Rapport, 5.