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MORT DE FÉLIX FAURE


invectives et calembredaines de ce genre, avec de grands gestes, furibonds ou douloureux, vers Roget. Le capitaine Bastien observa que « ce qui pourrait lui arriver de pire, c’était d’être expulsé de la caserne »[1] ; et, comme la foule des braillards, au dehors, continuait à le réclamer, Roget leur dit en riant : « Mais il ne veut pas s’en aller[2] ! » Habert se démenait de son côté, et, comme il n’était pas aussi convaincu de leur défaite que son chef de file, il ne se contentait pas de déclamer, mais criait aux officiers « qu’il était encore temps de les suivre, que le peuple les attendait à la Bastille, qu’il dépendait d’eux de débarrasser la République d’une bande de coquins »[3].

Le colonel du 82e, Kerdrain (l’auteur du rapport sur Esterhazy au conseil d’enquête, s’indigna d’entendre tenir de pareils propos à des officiers et engagea Roget à les renvoyer de la cour, ce que le général trouva très sage[4]. Pourtant, Déroulède continua à bramer et il eût pu poursuivre son monologue jusque dans la nuit, si le général Florentin n’était enfin survenu. Roget lui rendit sommairement compte de ce qui s’était passé et, comme Florentin, bien qu’écœuré par la sorte de gens qui l’avaient accueilli dans la rue au cri rythmé de « Vive

    pas si Déroulède a harangué les soldats ; je sais seulement qu’il parlait très haut à proximité d’officiers du 82e. » (14.) Dans sa déclaration à Cochefert : « Cette scène a duré sept ou huit minutes. » (5.)

  1. Instr. Pasques, 22, Bastien.
  2. Ibid., 58, soldat Perdereau ; et Cour d’assises, 29 mai, Roget.
  3. Ibid., 39, Habert ; 16, Roget : « Je n’ai nullement la connaissance que Déroulède et Habert, s’adressant à des officiers ou à des soldats dans la caserne, se soient rendus coupables de tentatives d’embauchage. » Déroulède dit que, considérant la bataille comme définitivement perdue, « il ne fit plus appel à la bonne volonté de personne ». (31.)
  4. Ibid., 14, Roget.
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