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MORT DE FÉLIX FAURE


aurait dû faire décerner contre Déroulède et Habert un mandat d’amener pour complot, attentat et embauchage, mettre les scellés à leur Ligue et faire perquisitionner chez tous les complices présumés. Sauf à Reuilly, il n’y avait eu aucun désordre ; Zurlinden et les troupes qui défilèrent, après les obsèques, sur les boulevards, avaient été acclamés à l’ordinaire, mais sans qu’il en résultât de trouble ; « on eût dit un jour de fête populaire » ; et, le soir, autour des grands journaux, les manifestations ne différaient guère de celles des soirs précédents[1]. L’opération contre le complot décapité n’eût présenté aucune difficulté. Au contraire, Dupuy traîna pendant plusieurs heures, celles qui sont le plus précieuses après ce genre de mauvais coups, parce que les conspirateurs dans le désarroi n’ont pas encore eu le temps de détruire, comme l’avait fait déjà Déroulède, ou de mettre en sûreté leurs papiers ; et il ne s’occupa avec Lebret et le préfet de police que de diminuer l’événement, afin d’atténuer sa propre responsabilité. Il ne consulta même pas ses autres collègues, bien qu’il les eût sous la main, au ministère des Affaires étrangères, où ils dînaient avec Loubet et les missions diplomatiques et militaires qui avaient assisté aux obsèques de Faure. Avec sa décision et son cynisme ordinaires, il prit tout sur lui.

Il était près de minuit quand le commissaire Cochefert se transporta à Reuilly pour signifier à Roget « qu’il eût à garder les députés et à les considérer comme en état d’arrestation »[2]. Il revint ensuite vers

    ce qui fut connu entre dix heures et minuit dans tous les bureaux de rédaction et dans tous les cafés du boulevard.

  1. Haute Cour, II, 77 et suiv., dépêches des commissaires de police et des officiers de paix. — Millevoye, qui essaya de haranguer la foule, fut arrêté et gardé au poste jusqu’au lendemain matin.
  2. Instr. Pasques, 15, Roget ; 62. Florentin : « À 11 heures 50. »