Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1904, Tome 4.djvu/73

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
69
CAVAIGNAC MINISTRE


cela, Brisson peut-être ne l’aurait pas trouvé très clair, bien qu’il eût accepté tout le reste qui n’était pas moins obscur. Dès lors, le plus sûr était de laisser Brisson dans l’ignorance de la collusion. Et le plus pressé, c’était de neutraliser Bertulus qui, sourd aux menaces[1] et malgré des difficultés de tout genre, poursuivait son insolente offensive.

X

La loi, alors nouvelle, qui veut que les accusés ne soient interrogés qu’en présence de leurs avocats, est excellente, mais ne va pas, comme les meilleures lois, sans inconvénients. La maîtresse d’Esterhazy, après avoir réfléchi pendant dix jours à Saint-Lazare qui, pour les femmes de cette espèce, est la plus redoutée des prisons, avait commencé à entrer dans la voie des aveux. La première fois qu’elle revit Bertulus, elle l’interpella[2] : « Pourquoi ne m’avez-vous pas simplement questionnée ? Je vous aurais dit que c’est moi qui ai écrit la dépêche Speranza. Picquart est-il arrêté ? Et Du Paty ? » Mais, dès que Tézenas lui eût fait la leçon, elle rétracta tout. Si elle consentit à signer un procès-verbal qui relatait ces propos révélateurs, elle refusa de les renouveler[3].

  1. « Nous obtiendrons sa révocation en moins de temps qu’il ne croit. » (Jour du 9 juillet 1898.)
  2. 15 juillet 1898 (Cass., I, 223 ; Rennes, I, 341, Bertulus.) — Le juge l’avait fait venir dans son cabinet, non pour l’interroger, mais pour l’inviter à se rendre à la prison d’Esterhazy, qui se disait malade, et y assister au dépouillement des saisies.
  3. Cass., I, 224, Bertulus ; II, 233, procès-verbal du 15 juillet signé Pays, Bertulus, André. — Selon Esterhazy (Dessous de l’Affaire Dreyfus, 18), le dialogue suivant se serait engagé entre