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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


lange, pour une telle besogne, d’une société qui avait été exquise et généreuse avec de la crapule payée à la journée. Mais la peur de se brouiller avec les violents, le poison des influences jésuitiques, avaient émoussé chez eux le sens de l’honneur. Ils se contentèrent de gémir dans le particulier, pendant que les journaux célébraient le « geste » du baron de Christiani[1], et que leurs bijoutiers vendaient par centaines une petite breloque en or qui figurait le chapeau bosselé de Loubet.

La piteuse résignation de ces timides ne va pas moins contribuer que la brutalité des meneurs à déchaîner ce que les prévoyants appelaient déjà « la réaction jacobine[2] ».

Pour l’instant, toute la pensée des républicains, des plus modérés aux plus avancés, se résuma dans une heureuse formule, Défense républicaine, trouvée on ne sait par qui, jaillie comme du sol, de l’instinct de conservation, qui est la vie même.

Dupuy était trop avisé pour ne pas se rendre compte

  1. Le prince d’Arenberg, qui était le plus sincère des ralliés, protesta le lendemain, à la Chambre, contre les « actes inqualifiables » d’Auteuil et vota, avec le prince d’Alsace, l’ordre du jour de flétrissure, ce qui leur fut reproché par Drumont comme « une malpropreté ». Tous les autres nobles de la Chambre ou votèrent contre (le vicomte de la Bourdonnays, le marquis de la Ferronnays, le duc de Rohan, les comtes de Pomereu, de Mun et de Montaigny) ou s’abstinrent (le prince de Broglie, les marquis de Maussabré et de l’Estourbeillon, les comtes de Lévis-Mirepoix, de Castellane, de Lanjuinais, de Montalembert, de Pontbriand, Le Gonidec, le baron de Mackau).
  2. Journal des Débats du 6 juin 1899. — De même Cornély : « Ah ! vous êtes bien toujours les mêmes ! Il n’y a pas de métier plus ingrat ici-bas que celui qui consiste à vous défendre. En tout cas, retenez bien ceci : C’est que vous êtes en train de commettre une faute irréparable. Vous le verrez avant peu, » (Figaro du 1er, etc.)