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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/13

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CHAMBRES RÉUNIES


yeux ; au contraire, il s’obstina, soit qu’il se crût de taille à user Loubet, comme il avait lassé Casimir-Perier, soit qu’il fût trop engagé avec les adversaires de la Revision et leur prisonnier.

Il s’appliqua d’abord à réduire jusqu’à l’impalpable la tentative de Reuilly et à prendre contre Déroulède lui-même la défense de Déroulède.

Quand il demanda à la Chambre[1], parce qu’il ne pouvait faire autrement, de suspendre l’immunité des deux députés qui s’étaient fait arrêter, il invoqua seulement (par son procureur général Bertrand) une infraction à la loi sur la presse, le délit de provocation à des militaires[2]. Il fallut que le rapporteur de la commission, unanime à accorder l’autorisation de poursuivre et à refuser la mise en liberté provisoire des accusés[3], rappelât que la qualification des faits par le ministère public ne lie point le magistrat instructeur ; il n’y avait point d’attentat plus évident que l’acte de Déroulède. La majorité, qui avait eu peur, souligna de ses applaudissements l’avertissement. Mais Dupuy n’en tint aucun compte, et le juge, qu’il l’ait fait ou non chapitrer, entra dans ses intentions, qui étaient, en premier lieu, de traîner en longueur[4].

  1. Séance du 24 février 1899.
  2. Article 25 de la loi du 29 juillet 1881 (sur la presse), modifié par la loi du 12 décembre 1893.
  3. La résolution tendant à la mise en liberté des députés arrêtés fut proposée par Castelin. Dupuy pria la Chambre de se réunir immédiatement dans ses bureaux et d’y nommer la commission pour l’examen de la demande du procureur général. À 6 heures, à la reprise de la séance, Sauzet donna lecture de son rapport. L’autorisation de poursuites fut votée à mains levées et la suspension de la détention repoussée par 422 voix contre 89 ; Cavaignac s’abstint.
  4. Le premier interrogatoire de Déroulède par le juge Pasques est du 24 février ; le réquisitoire du substitut du 25 avril.