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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


conspiré contre la République ou s’étaient livrés à des tentatives insolentes d’embauchage, on traquait une association qui n’avait pas cessé de recommander le respect de la loi et de l’ordre, et dont le premier acte avait été de solliciter l’autorisation du gouvernement. C’était à Brisson que cette demande avait été adressée, et, si Brisson l’avait repoussée, s’attirant cette vigoureuse réplique de Trarieux : « Quelles associations pourront prétendre à se créer une existence légale, si une ligue fondée pour la défense de la loi et de la liberté individuelle, c’est-à-dire pour ce qui est le fondement même de l’ordre républicain, en est à exciter la défiance ?…[1] », du moins il avait consenti à la tolérer. Maintenant, Dupuy dénonçait ce pacte tacite, sans autre prétexte que la faute d’autrui, et c’était si bas que, lui-même, il en eut presque honte, n’osa pas proposer au Sénat de lever l’immunité de Trarieux et limita la poursuite aux autres membres du bureau. Trarieux s’en plaignit à la tribune[2], demanda à être mis en cause avec tout le comité qui lui en avait donné mandat et qui comprenait d’autres membres de la haute Assemblée, Clamageran, Ranc, Isaac, Delpech et Ratier. Lebret, avec sa rouerie de bas-Normand, donna à entendre « que la procédure n’était pas close ». À l’audience, Trarieux, pour prendre sa responsabilité et revendiquer celle de ses amis, présenta lui-même la défense de Duclaux, « accusé invraisemblable qui était la Science au service du Droit[3] ».

Le tribunal prononça un même jugement (platonique)

  1. Lettre à Brisson du 23 juillet 1898. — Trarieux en donna lecture dans son plaidoyer pour Duclaux. (Cinq plaidoiries, 254.)
  2. Séance du 27 mars 1899.
  3. Cinq plaidoiries., 237.