Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/231

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
221
LE RETOUR DE L’ÎLE DU DIABLE


déjà raconter, ou racontait lui-même, que Galliffet lui avait intimé de ne pas faire usage de la note impériale et que, s’il la sortait, Cochefert sortirait aussitôt un mandat d’amener[1].

Les juges connurent cette pression du gouvernement sur l’homme qui détenait la vérité.

V

Pendant que Mercier travaillait avec cet art consommé, de nouvelles élucubrations de Quesnay, une farce d’atelier dont il fut la pitoyable victime, distrayaient la galerie et accroissaient la confiance des Revisionnistes dans le succès.

Pour convaincu qu’il fût de la culpabilité de Dreyfus, il avouait, avec la naïveté qui encadrait chez lui la méchanceté, que le bordereau pourrait bien être d’une autre écriture[2], — sans doute de Mathieu Dreyfus, — et comme Mercier s’était gardé de lui rien dire du bordereau annoté, il réclama des preuves, par la voie de son journal, à tous les patriotes qui en seraient détenteurs, et à Esterhazy lui-même. Il lui fit dire (par Ca-

  1. Vérité du 17 octobre 1899 : « M. le général Mercier n’a pu produire ce document décisif devant le tribunal militaire de Rennes, parce que le gouvernement, qui avait eu vent de la chose, avait donné l’ordre à Cochefert de l’arrêter séance tenante, s’il voulait faire usage de cette pièce aussi compromettante pour le pays qu’accusatrice pour Dreyfus. » — Déroulède (lettre à Galli du 7 août 1899) et Drumont (Libre Parole du 6 septembre) font très clairement allusion à la prétendue menace qui aurait été adressée à Mercier. — Voir p. 306 et 502.
  2. Écho de Paris du 15 juin 1899.