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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


avait eu maille à partir avec Henry, et que le même individu qui était allé chez la Bastian avait fait également une enquête sur lui et sur sa femme[1] ; ils inventèrent en conséquence que Tomps avait essayé de lui faire dire « qu’il avait remis lui-même le bordereau » — dont il n’avait pas été question entre eux — et racontèrent cette histoire à Lauth et à Gribelin pour qu’ils en fissent un incident au prochain procès, et donnassent ainsi à entendre que le gouvernement avait cherché des faux témoins en faveur de son Dreyfus[2].

Galliffet était très désireux de « gagner », comme il disait, la « partie » de Rennes[3], mais il se fiait trop à son étoile pour regarder au détail ; surtout, il a va il d’autres préoccupations. Il s’était flatté de rétablir l’ordre dans l’armée par sa seule présence au ministère et n’avait pas tardé à déchanter. Les chefs ne lui avaient

  1. Procès Dautriche, 531, François ; 625, Desvernine ; 635, Brücker.
  2. Rennes, I, 589, Gribelin : « Je n’apprécierai pas cette démarche de cet agent, de ce fonctionnaire, mais je l’ai indiquée au conseil qui en tirera la conclusion qu’il croira devoir en tirer. » I, 610, Lauth : « Il a été l’objet d’une tentative de la part d’un agent officiel du gouvernement. » Les faits furent rétablis par Tomps ; il produisit une lettre de Brücker, du 29 juillet 1899, qui confirmait son récit (III, 367). — Brücker écrivit à Tomps « qu’il avait été surpris avec lui et avait été tancé en conséquence ». (Procès Dautriche, 536, Tomps ; 538, François.)
  3. Galliffet m’écrivait, le 17 juillet : « Mon cher ami, vos amis, trop susceptibles, trop pressés, compromettront toutes les chances de l’accusé. Au talent des défenseurs, il faut joindre certains procédés qui appartiennent au gouvernement et surtout au ministre de la Guerre. W. R. le sait aussi bien que moi… Je quitterais plutôt que de m’exposer à perdre la partie par la maladresse des autres. Vous savez que je n’ai pas recherché l’emploi et que je ne l’ai accepté que sous condition de liberté absolue. » — J’ai déposé cette lettre au procès en revision.