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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/306

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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


longtemps à la peine, au lieu que le ressort d’acier qu’il avait été, « ployant et ne brisant pas », n’avait pas peu aidé « à soulever le monde par sa détente[1] » ; et encore, ce qui n’était pas moins exact et ce qui était plus facile à saisir, que ce pauvre homme, qui reparaissait parmi les hommes pour la première fois depuis cinq ans, et pareil à « une carcasse disloquée[2] », avait déjà grand’peine à se tenir, à entendre les questions et à y répondre sans défaillance. Mais, pourtant, ils furent déçus, s’avouèrent « déconcertés et déroutés », tant ils étaient incapables, eux aussi, en vrais Français, de juger les hommes et les choses à une autre lumière que celle de la rampe et de comprendre un innocent autrement que gémissant, se frappant la poitrine, étalant ses plaies et accusant le destin. On lui aurait su gré des larmes qu’il aurait versées ; on lui en voulut de celles qu’il retint, ou qu’il sécha trop vite. Il fallait un acteur et c’était un soldat.

III

Le conseil ayant décidé, par cinq voix contre deux, de procéder d’abord à l’examen des dossiers secrets, en présence de l’accusé et de ses défenseurs, mais à huis clos, les audiences publiques furent suspendues pendant quatre jours[3].

Les avocats, ici, commirent une nouvelle erreur. Ils eussent dû protester, réclamer qu’on vidât enfin publiquement le dossier d’Henry ; — il tenait, en 1894, dans

  1. Séverine.
  2. Clemenceau, Justice militaire, 371.
  3. 8, 9, 10 et 11 août 1899.