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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


officiers de 1894, ils avaient, à l’inverse de saint Thomas, besoin de toucher avec le doigt pour cesser de croire ; enfin quelques-uns, qui n’avaient du magistrat que la robe, imbus des passions d’Église ou d’État-Major, voulaient que ce Juif fût coupable et le restât.

Il n’y avait pas que Lebret qui se fût renseigné sur les dispositions des conseillers ; par toute la ville, on colportait leurs propos, leurs attitudes ou leur silence.

Les simplistes comptaient que les « partis » en présence se tenaient à une voix, 24 pour la revision, 23 contre[1] ; des calculateurs moins brutaux qu’il y avait 21 conseillers favorables, 14 hostiles et 12 indécis.

Surtout on eût voulu connaître l’Enquête, les deux volumes composés et tirés par l’Imprimerie nationale pour les seuls conseillers, sous la surveillance la plus sévère, après serment prêté, comme s’il s’était agi de secrets d’État[2]. Mais Dupuy savait que la vérité y éclatait à toutes les pages, et que, le jour où ces témoignages, ceux des adversaires comme ceux des partisans de la Revision, seraient publiés, la cause serait entendue.

  1. Aurore du 15 février 1899. C’était, d’après Clemenceau, « le calcul des militaristes qui comptaient déplacer la voix nécessaire ». L’autre « estimation » provenait du ministère de l’Intérieur, On citait, parmi les conseillers favorables, Tanon, Marignan, Bernard, Denis, Alphandéry, Fabreguettes, Lemaire ; parmi les hostiles, Rau, Faye, Dareste, Voisin, Reynaud. En fait, dès que la loi nouvelle fut promulguée, presque tous les conseillers se renfermèrent dans le silence.
  2. Il en avait été tiré 50 exemplaires pour la Cour et 30 pour la Chancellerie. Lebret avait consenti à l’impression de l’Enquête, à la suite d’une nouvelle démarche de Loew. (6 février).