Aller au contenu

Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/416

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
406
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


pouvait manquer d’être frappé de tant d’indices qu’une main suspecte éloignait de Rennes de tels témoins.

L’une des déclamations de l’ancien État-Major qui inquiétait le plus, c’était que les partisans de Dreyfus détruisaient l’œuvre de Sandherr, « le merveilleux instrument de défense » qu’il avait construit[1]. Il eût donc fallu attacher une importance particulière au témoignage de Cordier, l’ami et le collaborateur intime de « ce grand patriote », ainsi que l’appelait Gendron ; mais comme Cordier était revenu de son erreur au sujet de Dreyfus et avait été des premiers à soupçonner Henry, les mêmes gens lui déniaient tout droit à invoquer « cette grande mémoire ». Roget, Lauth, un officier retraité, le colonel Fleur, jusqu’à Gribelin, assaillirent le vieux sanglier qui fit front avec beaucoup de belle humeur et leur porta de rudes coups de son boutoir[2]. On lui jette à la face qu’il a cru, autrefois, à la culpabilité de Dreyfus[3]. « Si je n’y avais pas cru, j’aurais été le dernier des hommes, moi, officier du service des renseignements, de ne pas proclamer alors la vérité. » Il n’y croit plus et le déclare, parce qu’il ne fait pas consister son honneur et celui de l’armée à nier l’évidence. Il traça de verve un portrait pittoresque d’Henry, « imposé à Sandherr » qui le surprit plus d’une fois en faute, suspect de délation, intriguant avec Lauth contre les chefs et fabriquant finalement « son faux pour démolir Picquart et se mettre à sa place[4] ». C’étaient ces manœuvres qui avaient

  1. Rennes, II, 70, Gendron : « Il avait construit, ce grand patriote… etc. » (Émotion générale.)
  2. Ibid., 496 à 555, Cordier, et confrontation avec Roget, Lauth, etc.
  3. Ibid., 257, Fleur.
  4. Ibid., 520 et 522, Cordier.