Aller au contenu

Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/444

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
434
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


faussés ont à choisir entre deux explications d’un fait, c’est l’absurde, c’est l’invraisemblable qu’ils choisissent.

Si Esterhazy a modifié son écriture depuis qu’il a été dénoncé comme l’auteur du bordereau, c’est apparemment « pour s’en éloigner[1] » ; Molinier signale que, notamment, « l’écriture, anguleuse et fine, s’est arrondie et corsée » ; l’intérêt d’Esterhazy à l’altérer, à la différencier de celle du bordereau, un enfant le comprendrait. — Pas du tout, interrompt Mercier, si Esterhazy a changé son écriture, c’est « pour la rapprocher » de celle du bordereau ; il l’en a rapprochée « beaucoup », « même avant 1897[2] » ; car, depuis longtemps, il était l’homme des juifs, choisi pour être substitué à leur traître, non seulement à cause de ses tares, mais à cause de cette ressemblance providentielle d’écriture ; donc, payé par eux pour perfectionner cette analogie[3]. — Et tous les officiers d’approuver. Les fureurs d’Esterhazy, ses frayeurs, l’État et le peuple ameutés contre les juifs, son acquittement obtenu à coups de chantages et de fraudes, les fausses dépêches concertées avec Henry, les violences contre Picquart, tout cela ne fut qu’une comédie.

Quand des hommes, des soldats en sont là, — surtout si ce sont des polytechniciens, des mathématiciens le plus souvent inachevés, qui, à cause d’un peu de

  1. Rennes, III, 29, A. Molinier. — Il avait signalé le fait à la Cour de cassation (I, 650). De même Grenier (I, 715). — Giry, sur une question de Labori, répond au contraire qu’il n’a fait aucune remarque de ce genre. (Rennes, III, 50.)
  2. Ibid., III, 30, 31 et 50, Mercier ; il envoie à Bertillon (II, 870). Voir t. III, 291 et 343.
  3. Ibid., III, 31, Labori : « M. le général Mercier veut faire confirmer la déposition de M. Molinier. — Beauvais : Au contraire ! — Jouaust : N’interrompez pas ! »