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RENNES


heures du matin ; il était près de midi. — Jouaust remit la suite de la séance à trois heures.

Labori avait déclaré très simplement qu’il renonçait à la parole.

XXVI

Cette suspension d’audience fut-elle, comme on l’a raconté, la faute finale qui perdit tout ? Carrière, dit-on, laissé à lui-même, sans avoir le temps de se concerter avec Auffray, fût tombé plus bas que terre ; Merle, les yeux encore humides, votait l’acquittement, « la non-culpabilité », entraînait Brogniart ; au contraire, Mercier, pendant l’entr’acte, reprit les juges, leur fit porter à domicile, par Saint-Germain, la photographie du bordereau annoté.

Sauf que Carrière ait été fortement stylé, je n’en crois rien : la défaillance, toute physique, de Merle n’aurait changé son vote à aucun moment[1], et, Mercier, à la dernière heure, dans cette ville pleine de policiers et de journalistes aux aguets, n’aurait pas plus envoyé Saint-Germain aux membres du conseil qu’il n’y serait allé lui-même. L’homme, tel que nous le connaissons, et tout son savant travail d’insinuations, d’infiltrations, depuis deux mois, démentent (autant et plus que les protestations de Saint-Germain) une telle imprudence. Même des émissaires plus obscurs eussent été suivis, dénoncés aussitôt, et qu’eussent-ils ajouté au dernier appel de Drumont : « Le bordereau officiel n’est pas le vrai. Il faut être pour ou contre l’armée ; abandonnerez-vous vos chefs[2] ? »

  1. Voir p. 219 et Cass., IV, 541.
  2. Libre Parole des 6 et 9 septembre 1899.