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LA GRÂCE


moyens principaux de cassation : la reprise du vieil acte d’accusation de d’Ormescheville (malgré l’arrêt des Chambres réunies) ; l’excès de pouvoir commis par le conseil de guerre (pour être sorti du cercle tracé par cet arrêt et avoir méconnu, sur la question des aveux, l’autorité de la chose jugée) ; enfin, l’empiétement des témoins à charge sur les attributions du ministère public. Mais, d’une part, ces moyens, pour sérieux qu’ils fussent, seraient sûrement écartés par le conseil de revision militaire devant lequel Dreyfus s’était déjà pourvu (dès la veille), mais sans espoir ; et, d’autre part, il n’existait pour son client aucun moyen de saisir lui-même la Cour de cassation ; sa requête serait déclarée non recevable ; seul, le ministre de la Justice peut saisir la Chambre criminelle ; seulement son pourvoi ne peut aboutir qu’à l’annulation de l’arrêt du conseil de guerre, — en aucun cas, à une déclaration d’innocence.

Ainsi, alors même que Waldeck-Rousseau se fût décidé à passer outre aux scrupules de Galliffet et de Loubet, la situation, du côté de la loi, était sans issue. Les juges civils, saisis seulement d’une requête en annulation, renverraient Dreyfus à d’autres juges militaires, qui condamneraient à nouveau, donneraient, une fois de plus, raison à Zola : « Comment a-t-on pu espérer qu’un conseil de guerre déferait ce qu’un conseil de guerre avait fait[1] ? »

En fait, Waldeck-Rousseau avait trop présumé de son ministre de la Guerre, du Président de la République et de la Loi elle-même. Il dit alors à Mornard qu’il y aurait peut-être une autre solution, fort différente, dont il avait touché, la veille, quelques mots à

  1. Lettre à Félix Faure. (La Vérité en marche, 86.)