Page:Kant - Anthropologie.djvu/293

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interne de conduite en général. — Aussi dit-on que les poëtes n’ont pas de caractère ; que, par exemple, ils offenseraient leurs meilleurs amis plutôt que de sacrifier un trait d’esprit ; ou qu’il ne faut pas chercher de caractère chez les courtisans, qui sont dans la nécessité de se plier à toutes les formes ; que la fermeté de caractère n’est que douteuse encore chez les gens d’église, qui, tout en faisant la cour au maître du ciel, ne s’entendent pas trop mal à se ménager les maîtres de la terre ; qu’ainsi un caractère (moral) interne n’est et ne sera jamais qu’un pieux désir. Mais c’est peut-être la faute des philosophes s’ils n’ont pas encore tiré au clair cette notion, et s’ils n’ont jamais cherché à montrer la vertu que dans telle ou telle action, plutôt que de la présenter dans toute la beauté de sa forme, et de la rendre intéressante à tous les hommes.

En un mot : véracité dans l’examen de soi-même et dans la conduite à l’égard d’autrui, telle est la maxime suprême qui permette à un homme de s’avouer qu’il a du caractère ; et comme c’est la moindre chose qu’on puisse demander d’un homme raisonnable, que c’est en même temps le plus haut degré de valeur interne (de la dignité humaine), il faut, pour être homme de principes (pour avoir un caractère déterminé), pouvoir s’élever au-dessus de la raison vulgaire par la dignité et par un talent supérieur.