Page:Kant - Anthropologie.djvu/408

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
397
RÊVES D'UN HOMME QUI VOIT DES ESPRITS.

Cette espèce de phénomènes ne peut cependant pas être quelque chose de commun et d’ordinaire ; elle ne peut se produire que chez des personnes dont les organes[1] sont d’une excitabilité tout à fait extraordinaire, et de nature à fortifier les images de la fantaisie, suivant l’état interne de l’âme, par le mouvement harmonique, à un degré supérieur à celui qui se rencontre et qu’on doit rencontrer dans des hommes sains. Ces personnes exceptionnelles seraient assaillies dans certains moments par l’apparence de plusieurs objets qui leur sembleraient extérieurs, et qu’elles prendraient pour la présence de natures spirituelles qui frappent leurs sens corporels, quoi qu’il n’y ait là qu’une illusion de l’imagination, de telle sorte cependant que la cause du phénomène serait une véritable influence spirituelle qui ne peut être immédiatement sentie, mais qui ne se manifeste à la conscience que par des images analogues de la fantaisie, qui prennent l’apparence des sensations.

Les notions provenant de l’éducation, ou différentes opinions d’une autre origine, joueraient ici un rôle ou l’illusion se mêle à la vérité, au fond de quoi se trouve sans doute une sensation spirituelle véritable, mais qui a pris la forme ténébreuse des choses sensibles. Mais il faudra reconnaître aussi que la propriété de développer ainsi en une claire intuition les impressions du monde spirituel dans cette vie, peut y servir difficilement, parce que la sensation spirituelle y est nécessairement liée d’une manière si étroite à la chimère de l’imagination, qu’il doit être impossible d’y distinguer le vrai des grossières illusions qui l’entourent. De plus, un pareil état supposant un changement d’équilibre dans les nerfs, auxquels l’activité de l’âme, sous l’influence d’un sentiment tout spirituel, imprime un mouvement qui n’est pas naturel, témoigne d’une véritable

  1. J’entends par là non pas les organes de la sensation extérieure, mais le sensorium de l’âme, comme on l’appelle, c’est-à-dire cette partie du cerveau dont le mouvement accompagne d’ordinaire les images et lea représentations de toutes sortes de l’âme pensante, comme le croient les philosophes.