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Page:Kant - Anthropologie.djvu/434

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représentations tout à fait obscures. Aussi Swedenborg est-il le vrai oracle des esprits, qui ne sont pas moins curieux de contempler en lui l'état présent du monde qu’il peut l’être lui-même de considérer dans leur mémoire comme dans un miroir les prodiges du monde spirituel. Quoique ces esprits soient liés de la manière pour ainsi dire la plus intime avec toutes les autres âmes des hommes vivants, qu’ils agissent sur elles ou en reçoivent l’action, ils le savent cependant aussi peu que les hommes, parce que leur sens intime, qui appartient à leur personnalité spirituelle, est très obscur. Les esprits croient donc que ce qui provient en eux de l’influence des âmes humaines, est pensé par eux seuls, de la même manière que les hommes en cette vie s’imaginent que toutes leurs pensées, tous les mobiles de leur volonté ne partent que d’eux seuls, quoique souvent en réalité tls subissent l’influence du monde intelligible. Cependant toute âme humaine a déjà dès cette vie sa place dans le monde spirituel, et fait partie d’une certaine société qui est toujours en rapport avec son état interne de vrai et de bien, c’est-à-dire avec l’état de son entendement et de sa volonté. Les positions respectives des esprits n’ont rien de commun avec l’espace du monde corporel ; l’âme d’un homme dans les Indes est souvent la plus proche voisine de celle d’un autre homme en Europe, pour ce qui est de la situation spirituelle, quand au contraire celles qui habitent corporellement la même maison peuvent être beaucoup plus éloignées les unes des autres au point de vue spirituel. Quand l’homme meurt, l’âme ne change pas de place; il se sent seulement dans celle où il était déjà de son vivant à l’égard d’autres esprits. Du reste, quoique le rapport des esprits entre eux ne soit pas un véritable espace, il en a cependant pour eux l’apparence, et leurs liaisons sont représentées sous la condition de la proximité, comme leurs différences sous celle de l’éloignement, de même que les esprits, sans être réellement étendus, se donnent néanmoins entre eux l’apparence d’une figure humaine. Dans cet espace imaginé est une communauté constante des esprits. Swedenborg s’entretient