Page:Kant - Anthropologie.djvu/437

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que notre fanatique croit voir si clairement dans ses rapports quotidiens avec les esprits.

J’ai déjà dit que, suivant notre auteur, les facultés et les propriétés si diverses de l’âme sont en sympathie avec les organes subordonnés du corps à leur gouvernement. L’homme extérieur tout entier correspond donc à tout l’homme intérieur. Si donc une influence spirituelle remarquable du monde intelligible s’exerce sur l'une ou sur l’autre de ces facultés de l’âme, il en ressent aussitôt la présence harmoniquement manifestée dans les membres de son humanité extérieure qui correspondent à ces facultés. Il attribue donc une grande diversité de sensations à son corps, sensations toujours liées à la contemplation spirituelle, mais dont l’absurdité est trop forte pour que j’ose en rapporter seulement quelques-unes.

On peut donc, si l’on veut s’en donner la peine, se faire une notion de l’imagination la plus étonnante et la plus étrange dans laquelle se réunissent toutes ses rêveries, en partant de ce qu’on vient de dire. De même, en effet, que différentes forces et facultes constituent cette unité qui est l’âme ou l’homme intérieur, de même encore différents esprits (dont les principaux caractères concordent aussi bien entre eux que les différentes facultés d’un même esprit s’accordent entre elles) forment une société qui a tout l’aspect d’un grand homme, et dans cette ombre chaque esprit se voit dans le lieu et dans les membres apparents qui sont en rapport avec sa fonction propre dans un semblable corps spirituel. Mais toutes ces sociétés d’esprits réunis, l’universalité entière de ces êtres intelligibles, apparaît de nouveau et en dernier lieu pour la forme du plus grand homme. Imagination gigantesque, démesurée, à laquelle s’est peut-être ajoutée une ancienne et enfantine représentation, quand, par exemple, dans les écoles, pour venir au secours de la mémoire, on représente aux écoliers toute une partie du monde sous la forme d’une femme assise, etc. Dans cet homme immense est un constant et très intime commerce d’un esprit avec tous les autres et de tous avec un seul ; et, quelle que puisse être la position