Page:Kant - Anthropologie.djvu/439

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ne pouvant se prouver, la seule raison de s’en occuper était la présomption que l’auteur essaierait peut-être d’en établir la vérité sur des événements de l’espèce mentionnée, qui pourraient être confirmés par des témoins oculaires. Mais on n’en rencontre nulle part. Nous abordons ainsi, mais pas sans quelque embarras, une entreprise peu sensée, en faisant remarquer avec raison, quoique assez tard, qu’il est souvent facile de penser avec prudence, mais alors seulement par malheur qu’on s’est trompé longtemps.

* * *

J’ai traité un sujet ingrat, dont je ne m’étais chargé que sur la demande et les instances d’amis curieux et peu occupés. En accommodant mon travail à cette légèreté de sens, j’ai en même temps trompé leur attente; je n’aurai contenté ni le curieux par des faits, ni le raisonneur par des preuves. Si je n’avais pas eu d’autre dessein dans ce travail, j’aurais perdu mon temps; j’ai perdu la confiance du lecteur, dont j’ai conduit l’investigation et la curiosité, après un long détour, au même point d’ignorance d’où il était parti. Mais en réalité je me proposais un but qui me parait plus important que celui que je semblais rechercher, et ce but, je crois l’avoir atteint. La métaphysique, dont le sort a voulu que je fusse épris, quoique je ne puisse me flatter d’en avoir été souvent payé de retour, présente deux avantages. Le premier, de répondre aux questions soulevées par un esprit curieux, lorsqu’il recherche par la raison les propriétés cachées des choses. Mais il arrive souvent ici que l’espérance est trompée par l’événement, et que cette fois encore l’objet désiré échappe à nos prises :

Ter frustra comprensa manus, effugit imago,
Par levibus ventis volucrique simillima somno.

                                       Virg.


L’autre avantage est plus d’accord avec la nature de l’entendement humain, et consiste à voir si le problème résultant de ce