Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T1.djvu/187

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obligatoires du culte et aux pratiques religieuses du monastère. Aux heures des offices, elle lisait des prières, accompagnait ses condisciples à l’église, écrivait avec elles pour son confesseur de petits « examens de conscience », qui finissaient toujours par les mots d’usage : « mea culpa, mea culpa, mea maxima culpa ; elle assistait aux leçons de catéchisme, mais son âme n’y avait aucune part. À l’exemple de ses compagnes, elle sommeillait à l’église sur son petit banc ou se distrayait sans écouter le sermon du prédicateur. Vers la fin de la seconde année qu’elle passa au couvent, lorsque toutes les escapades semblaient être épuisées et que la diablerie commençait à l’ennuyer, elle lut un jour dans « la Vie des Saints », livre qu’on lui avait donné, la vie de Siméon le Stylite, dont Voltaire s’était tant moqué jadis. Aurore fut frappée de cette foi profonde, qui avait amené un homme à un fanatisme ressemblant à celui des fakirs indous. « La sainteté l’intéressa par son côté psychologique, » elle se mit à lire avidement le Martyrologe, dans l’espoir d’y trouver la solution de cette énigme psychologique. Elle se remit également à lire l’Évangile, mais comme il n’avait plus pour elle le charme de la nouveauté, qu’elle le connaissait trop, puis, se souvenant de plus des commentaires athées de sa grand’mère, sa lecture ne produisit sur elle aucun effet bienfaisant. Néanmoins, le sol était préparé. Un soir qu’Aurore s’était échappée d’une leçon, elle entra comme par hasard dans l’église demi-obscure. Le superbe tableau du Titien était éclairé par la lumière vacillante d’une petite lampe ; une religieuse solitaire, humblement prosternée sur les dalles, semblait anéantie dans la ferveur de sa prière. Aurore crut tout à coup reconnaître une voix mystérieuse qui lui redisait le même tolle, lege qu’avait entendu saint Augustin. Son