Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T1.djvu/213

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faisait horreur à elle-même. D’un côté, l’instinct et le sentiment la portaient non seulement à sympathiser avec sa grand’mère, avec ses convictions et ses goûts, mais encore à croire fermement que malgré son athéisme et son insoumission à l’Église, celle-ci ne pouvait être une pécheresse maudite par Dieu. En même temps l’habitude acquise au couvent lui faisait continuer à s’occuper de science, d’art et de lecture. Et d’un autre côté au point de vue de l’orthodoxie catholique, la grand’mère était une athée ennemie de Dieu, toutes ses convictions étaient hérétiques, et les occupations d’Aurore elle-même, l’histoire, la littérature, les arts, toute sa vie, toutes ses affections, n’étaient que vanité, actes en plein désaccord avec la vraie vie chrétienne telle que l’entendait Gerson. Pour être conséquente avec elle-même, Aurore aurait dû, comme sœur Hélène, rompre avec sa grand’mère et sa mère, fouler aux pieds leurs cœurs, renoncer à tous ses attachements, quitter Le monde. Elle ne l’avait pas fait, parce que l’abbé de Prémord et la mère Alicia l’en avaient dissuadée. L’abbé de Prémord et la mère Alicia suivaient-ils donc, comme Chateaubriand, une vérité relative, et la vérité absolue, était-elle du côté de Gerson ? Mais Aurore ne se sentait plus la force de renoncer, sans murmure, aux occupations intellectuelles et, qui plus est, de condamner sa grand’mère, parce qu’elle ne pratiquait pas, et ne fréquentait pas les sacrements. Elle crut, un temps, qu’elle devait persuader à son aïeule de se confesser et de communier pour ne pas mourir dans l’impénitence finale et qu’elle accomplirait ainsi envers elle son devoir de chrétienne. Cependant, elle ne donna pas suite à son projet, comprenant quel coup elle lui porterait en lui parlant de sa fin prochaine. Du désaccord entre son sentiment et les préceptes de foi qu’elle aurait voulu suivre, elle