Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T1.djvu/258

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Bien que tous les biographes soient d’accord à peu près sur Casimir Dudevant, on peut cependant les diviser en deux groupes : les uns, s’en rapportant exclusivement à l’Histoire de ma Vie, parlent de lui avec réserve et indulgence et le représentent surtout comme un homme médiocre et insignifiant. Les autres, contemporains du fameux procès de 1836 ou, en tout cas, au courant de tout ce qui fut alors élucidé, soulignent sa grossièreté, sa violence, son ivrognerie, sa profonde immoralité, sa brutalité envers sa femme, etc. Grâce à cela, beaucoup de lecteurs disposés tout d’abord à ne voir en Dudevant qu’un tyran, un despote, s’imaginent que dès les premiers jours du mariage la maison des Dudevant fut un épouvantable enfer. Il n’en est pas ainsi. Si la grossièreté, le despotisme de Casimir et « l’enfer » sont des faits réels, ces faits ne peuvent se rapporter qu’à une époque ultérieure. C’est la médiocrité, la nullité du mari qui ont, sans contredit, joué d’abord un triste rôle. Disons plus : les deux premières années furent réellement assez heureuses. À cette confusion que nous signalons, et à cet anachronisme contribue encore le fait qu’immédiatement après le récit de son mariage, George Sand passe, dans son Histoire, au récit de ses dissentiments ; elle nous raconte comment, sans qu’il y eût inimitié déclarée, il existait déjà des mésintelligences, que tous deux commençaient à s’ennuyer, attribuant cet ennui à leur solitude ; qu’ils entreprirent alors une série de voyages : à Guillery chez le beau-père d’Aurore, à Bordeaux, aux Pyrénées, à Paris où ils demeurèrent tout un hiver, etc., etc. Puis George Sand nous raconte son triste isolement, ses vagues aspirations, ses rêveries et ses pensées. Tout cela, joint au souvenir de l’issue tragique, universellement connue, de la vie conjugale des Dudevant,