Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T1.djvu/300

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Par sa nature, son caractère, son éducation, ses études, ses habitudes correctes et tranquilles, il présentait un parfait contraste avec Aurore Dudevant, et ce contraste, c’était peut-être justement la force secrète qui, en vertu de la loi des contraires, les attirait l’un vers l’autre. D’autre part, leur amour de la lecture, leurs tendances idéalistes, leurs goûts intellectuels, les habitudes et les exigences de leur esprit quelque peu abstrait, et une forte dose de romantisme dans leur caractère, contribuaient beaucoup à ce rapprochement plus intime et conscient des deux nouveaux amis. L’amitié qu’ils portaient tous deux à Zoé Leroy, qui habitait La Brède, tandis que de Sèze demeurait à Bordeaux, venait très à propos pour former le chaînon qui liait les deux jeunes gens ; elle les aidait non seulement à se voir plus souvent, mais encore à rendre leurs lettres plus fréquentes, lorsque Dudevant partit de Bordeaux pour Nohant et qu’Aurore se rendit d’abord chez son beau-père à Guillery, et plus tard quitta définitivement le sud de la France pour retourner chez elle. C’est alors que commença cette correspondance entre de Sèze et Aurore qui joua un si grand rôle dans la vie de notre héroïne. Les lettres affluèrent des deux côtés, lettres philosophiques, poétiques, gaies, sentimentales ; elles contenaient toute la vie d’âme et d’esprit d’Aurore pendant six années, et faisaient naître l’écho qui répondait, chez son ami, à chacune de ses moindres paroles, à ses sentiments, à ses pensées. Aurélien de Sèze et Aurore, on le voit, avaient pris au sérieux leur résolution de n’être qu’amis, grâce surtout à la ferme et inébranlable volonté d’Aurélien qui avait pris à cœur sa qualité de guide et de directeur de conscience de la jeune femme, et ne tenait pas moins à être l’ami de l’époux que celui de l’épouse. Mais, n’anticipons pas sur les événements,