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se figure au seul nom de George Sand quelque chose de purement idéaliste et de sentimental, d’autres restent attachés à l’opinion accréditée qu’elle est « la prédicatrice de la débauche ». Et, ce qui étonne plus encore, c’est que, même chez les biographes contemporains les plus bienveillants de George Sand, comme MM. Caro et d’Haussonville[1], on remarque une sorte de retenue craintive, dès qu’ils ont à parler de l’influence qu’elle a exercée sur les femmes et sur la jeunesse.

En Russie, nous retrouvons les deux mêmes camps ennemis. Dans le camp hostile à George Sand on rencontre les mêmes craintes, les mêmes accusations. Senkovsky et Boulgarine se sont évertués à la noircir à qui mieux mieux, répandant sur elle toutes sortes de calomnies, cherchant à intimider les lecteurs pour les empêcher de la lire, de se prêter à écouter les doctrines de cet écrivain « immoral et impie ». Senkovsky et Boulgarine prévenaient le public contre elle, avant même que ses œuvres eussent paru en russe. « On cherchait surtout à effaroucher les dames russes en leur racontant qu’elle portait culotte, » dit Dostoïevsky dans son merveilleux article consacré à George Sand[2], on leur donnait sa dépravation comme un épouvantail, on cherchait à la rendre ridicule. Senkovsky, qui avait cependant l’intention de traduire George Sand dans sa Bibliothèque de lecture, forgeait sur son nom des jeux de mots pitoyables en croyant y mettre beaucoup d’esprit. Plus tard, en 1848, Boulgarine disait d’elle, dans l’Abeille du Nord, qu’elle se grisait tous les jours avec Pierre Leroux

  1. Vicomte d’Haussonville. Études biographiques et littéraires : George Sand. Paris, 1879.
  2. Dostoïevsky. Journal d’un homme de lettres, juin 1876 : I. La mort de George Sand ; — II. Quelques mots sur George Sand.