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pleines de mélancolie et de pessimisme. La vie sociale de Paris et la vie privée d’Aurore Dudevant étaient troublées, il y régnait la tristesse des rêves perdus et des espoirs déçus, une sourde irritation, un dépit impuissant, un morne désespoir.

Au mois de novembre, George Sand s’installa avec Solange dans un autre Logement quai Malaquais, dont de Latouche lui avait cédé le bail. Elle y était mieux que dans la mansarde qu’elle avait occupée : il y faisait plus chaud, tout y était calfeutré et tapissé. Une servante qu’Aurore avait amenée de Nohant faisait la cuisine, lavait le linge et soignait la petite fille. Indiana avait apporté de la gloire et de l’argent. Après Valentine, Aurore n’eut plus à se soucier du sort de ses œuvres, les éditeurs sollicitaient le droit d’imprimer ses romans. La Revue de Paris et la Revue des Deux Mondes se les disputaient aussi. La Revue des Deux Mondes l’emporta. George Sand s’engagea par contrat à lui fournir « pour une rente de quatre mille francs, trente-deux pages d’écriture toutes les six semaines[1] ».

Mais Le bonheur qui avait régné dans la froide et incommode mansarde du quai Saint-Michel, semblait fuir le gentil logement du quai Malaquais. L’amour, naguère si heureux, de la jeune femme pour Jules Sandeau était maintenant devenu une source de souffrances et de nouvelles déceptions. Aurore vit avec terreur que son union « libre » était tout aussi malheureuse que l’avait été pour elle le mariage. Vers le commencement de 1833, cette liaison se brisa soudainement. M. Edmond Plauchut[2] raconte que, désirant

  1. Lettre à Boucoiran du 20 décembre 1832. Correspondance, I vol. p. 235.
  2. M. Henri Amic confirme le même fait sur la foi d’Edouard Grenier. Voir la Défense de G. Sand. Le « Figaro », 2 novembre 1896.