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Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T1.djvu/419

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sière que celle de son mari. Où en trouver l’explication ? N’était-ce là qu’un effet fatal du hasard ou était-ce une tendance générale masculine ? Un amour élevé, platonique, comme celui d’Aurélien de Sèze, s’éteint et se flétrit, parce qu’il est incomplet, détaché de la vie réelle ; mais l’amour passionné et heureux serait-il aussi peu à l’abri de la trahison, des « distractions », d’un caprice de sensualité, que l’amour prosaïque du mariage ? « Le néant est son nom » ! Voilà ce que semblait se dire avec mépris George Sand. Oui, elle avait rêvé trouver une âme dans l’être aimé, et elle avait elle-même donné tout son être. Mais pour les hommes ? L’amour est-il le même sentiment que pour la femme ? L’amour pur et l’amour sensuel ne sont-ils pas chez eux en contradiction continuelle ? Est-ce qu’ils ne sont pas, tout en aimant une femme, capables de la trahir avec la première venue ? Et, au contraire, est-ce qu’ils ne sont pas capables, malgré l’intimité la plus complète, de rester intellectuellement étrangers à la femme aimée ? La fidélité et l’éternité dans l’amour ne sont que mirage. Tout dépend d’un moment. Les serments ne sont que tromperie. Les rêves de l’union des âmes sont de naïves illusions. Dans l’amour, comme partout ailleurs, règne le hasard. L’esprit et la matière sont hostiles l’un à l’autre et le plus souvent c’est la matière qui remporte le triomphe sur l’esprit…

Et autour d’elle, Aurore Dudevant entendait alors retentir les prédictions hardie des « romantiques » et des Saint-Simoniens, renversant tous les principes d’antan, des tirades éloquentes sur la légitimité de tous les instincts et, en particulier, sur la toute-puissance de l’amour ; sur la sottise de réprimer ses passions, surtout celles qui sont « naturelles » ; sur l’égalité des droits des deux sexes devant les