Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T1.djvu/47

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chez eux pendant les années 1835-1855, parce que cette influence a été singulièrement puissante, hors ligne, tant par son étendue que par ses résultats.

Rien ne prouve l’influence et la domination de certaines idées et de certains goûts, à une époque donnée, comme la vogue dont ils jouissent tout à coup, vogue presque obligatoire, même pour les personnes qui ne se soucient d’aucune idée, mais s’affublent de celle du moment, tantôt du manteau romantique « à la Childe Harold » et tantôt du frac rouge. C’est ce que George Sand elle-même a fort bien signalé dans un des chapitres de Mlle La Quintinie. Elle y prétend, qu’en 1830 tout le monde prenait un air désenchanté, posait pour le Weltschmerz, de même, qu’en 1860, la jeunesse en France affectait une indifférence générale, un dilettantisme ironique. George Sand, comme tout vrai génie, comme Tolstoï à notre époque, n’a pu éviter d’être victime de ces adeptes de la mode, parfois ridicules, parfois hideux même. Cela nous explique comment son nom fut mêlé, pendant un certain temps, à toute sorte de folies ou même d’actions peu honorables, accomplies ou répandues en racontars par de soi-disant « George-Sandistes » des deux sexes, comme de nos jours nous avons les oreilles rabattues de toute espèce de sorties absurdes on ineptes de la part des « Tolstoïsants », prétendus ou sincères. En 1840, tout homme « avancé » en Russie ne pouvait faire autrement que de se montrer passionné pour les idées de George Sand. On en trouve des indices jusque dans certains écrits satiriques de l’époque. Qui ne se souvient en Russie d’une pièce de vers de Plestcheïew, d’un humour fin et d’une âpre ironie, intitulée : Une de mes connaissances. Voici le portrait que le poète trace de ce