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un homme qui, toute sa vie, « a frémi de sympathie et d’amour pour l’humanité », ceux-là comprendront facilement qu’aussitôt que Bélinsky se fut dégagé de la philosophie quiétiste qui ne lui allait nullement, et qui n’avait fait qu’effleurer sa vraie nature, il dut vibrer de concert avec le grand écrivain, dont les traits distinctifs se mariaient bien avec les siens propres, et partager ses idées.

George Sand joua également un rôle important dans l’histoire du développement moral de Saltykow-Stchédrine ; nous en trouvons le témoignage dans les œuvres du satiriste lui-même et de son biographe K. Arséniew. Dans le chapitre IV de Au delà de la frontière[1] Saltykow raconte ce qui suit : « Je venais de quitter les bancs de l’école, et, imbu des articles de Bélinsky, je me ralliai naturellement à mes compatriotes, admirateurs de l’occident. Je ne me soumis cependant pas aux doctrines de la majorité qui seule faisait alors autorité dans la littérature, et qui s’occupait à vulgariser les principes de la philosophie allemande ; je me rattachai à ce cercle peu connu qui s’était instinctivement rallié à la France, non pas à la France de Louis-Philippe et de Guizot, chose facile à comprendre, mais à la France de Saint-Simon, de Cabet, de Fourier, de Louis Blanc et surtout de George Sand. Ce sont eux qui nous inspiraient la foi en l’humanité, c’est d’eux que nous vint le rayon de lumière qui nous faisait comprendre que le « siècle d’or » n’était pas dans le passé, mais bien dans l’avenir. En un mot tout ce qui est bon et désirable, toute la pitié, tout nous venait de là ».

  1. T. VIII de ses Œuvres complètes, 1892, p. 442.