Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T1.djvu/61

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européenne ». Plus Loin, après avoir analysé d’une façon incomparable et avec la simplicité d’un écrivain vraiment grand, les types principaux des jeunes filles et des femmes des Nouvelles vénitiennes, et après avoir signalé dans les premiers romans de George Sand « l’extraordinaire beauté de ces types moraux », Dostoïewsky s’écrie que « seule une grande et belle âme pouvait créer de pareils types et poser de telles questions ».

« Pareilles images, dit-il, pouvaient-elles révolter la société, soulever des doutes et des craintes ? Tout au contraire, les parents les plus sévères autorisaient dans leurs familles la lecture de George Sand et se demandaient avec étonnement pourquoi on parlait mal d’elle. C’est alors que s’élevèrent, pour prévenir les lecteurs, des voix qui déclarèrent que c’était justement dans cet orgueil féminin, dans l’incompatibilité de la chasteté avec les vices, dans le refus de toute concession au vice, dans la témérité avec laquelle l’innocence engageait la lutte et contemplait avec sérénité l’insulte face à face, que résidaient le poison, la contagion future de l’émancipation des femmes. Eh quoi ! il est fort possible que tout ce que l’on disait au sujet du « poison » fût juste ; la contagion se remarquait un peu, en effet, mais que menaçait-elle, que devait-elle détruire, et que devait-elle épargner ? Tel était le problème qui surgissait en effet et qui pesta longtemps sans solution. Toutes ces questions paraissent maintenant résolues… »

« Bornons-nous à noter ici que, vers 1845, la gloire de George Sand et la foi en son génie étaient si grandes que nous tous, ses contemporains, nous attendions d’elle quelque chose de beaucoup plus grand encore, une parole non entendue jusque-là, et même un je ne sais quoi de décisif