Page:Krafft-Ebing - Psychopathia Sexualis, Carré, 1895.djvu/150

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line, je crois que, à la suite des privations qu’elle m’imposerait, j’en aurais bientôt assez de cette vie tant désirée et que, dans les intervalles de lucidité, je ferais tous mes efforts pour pouvoir reprendre ma liberté.

Pourtant j’ai trouvé un moyen d’obtenir une réalisation approximative. Après avoir, par l’évocation de ces scènes imaginaires fortement excité mon instinct sexuel, je vais trouver une prostituée ; arrivé chez elle, je me représente vivement dans mon imagination une de ces scènes d’esclavage où je m’attribue le rôle principal. Au bout d’une demi-heure pendant laquelle mon imagination me dépeint ces situations et que l’érection augmente de plus en plus, je fais le coït avec une volupté plus vive et avec une forte éjaculation. Quand l’éjaculation a eu lieu, le charme est rompu. Honteux, je m’éloigne le plus vite possible et j’évite de me remémorer ce qui s’est passé. Ensuite, quinze jours se passent sans que je sois hanté par mes idées. Quand le coït m’a satisfait, il arrive même que, pendant la période calme qui précède l’accès, je ne puis pas comprendre comment on peut avoir des goûts masochistes. Mais un autre accès arrive sûrement tôt ou tard. Je dois cependant faire remarquer que je fais aussi le coït sans y être préparé par de pareilles représentations ; je le fais aussi avec des femmes qui me connaissent bien et en présence desquelles je renie entièrement les fantaisies dont il est question. Mais, dans ces derniers cas, je ne suis pas toujours puissant, tandis que, sous le coup des idées masochistes, ma puissance sexuelle est absolue. Je ne crois pas inutile de faire encore remarquer que, pour mes autres pensées et mes autres sentiments, j’ai des dispositions esthétiques, et que je méprise au plus haut degré les mauvais traitements infligés à un homme. Finalement je dois encore rappeler que la forme du dialogue a aussi son importance. Dans mes représentations, il est essentiel que la « Souveraine » me tutoie, tandis que moi je suis obligé de l’appeler « vous » et « madame ». Le fait d’être tutoyé par une personne qui s’y prête et cela comme expression d’une puissance absolue, m’a causé des sensations voluptueuses dès ma première jeunesse et m’en cause encore aujourd’hui.

J’ai eu le bonheur de trouver une femme qui me convient à tous les points de vue, même au point de vue de la vie sexuelle, bien qu’elle soit loin de ressembler à mon idéal masochiste.

Elle est douce, mais plantureuse, qualité sans laquelle je ne peux pas m’imaginer aucun plaisir sexuel.