Page:Krafft-Ebing - Psychopathia Sexualis, Carré, 1895.djvu/18

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Nous sommes aujourd’hui bien loin de cet âge où la vie sexuelle se manifestait dans l’idolâtrie sodomite, dans la vie populaire, dans la législation, et dans la pratique du culte des anciens Grecs, sans parler du culte du Phallus et de Priape chez les Athéniens et les Babyloniens, ni des Bacchanales de l’antique Rome, ni de la situation privilégiée que les hétaïres ont occupée chez ces peuples.

Dans ce développement lent et souvent imperceptible de la moralité et des bonnes mœurs, il y a quelquefois des secousses et des fluctuations, de même que dans l’existence individuelle la vie sexuelle a son flux et son reflux.

Dans la vie des peuples les périodes de décadence morale coïncident toujours avec les époques de mollesse et de luxe. Ces phénomènes ne peuvent se produire que lorsqu’on demande trop au système nerveux qui doit satisfaire à l’excédent des besoins. Plus la nervosité augmente, plus la sensualité s’accroît, poussant les masses populaires aux excès et à la débauche, détruisant les bases de la société : la moralité et la pureté de la vie de famille. Et quand la débauche, l’adultère et le luxe ont rongé ces bases, l’écroulement de l’État, la ruine politique et morale devient inévitable. L’exemple de Rome, de la Grèce, de la France sous Louis xiv et Louis xv, peuvent nous servir de leçons[1]. Dans ces périodes de décadence politique et morale on a vu des aberrations monstrueuses de la vie sexuelle, mais ces aberrations ont pu, du moins en partie, être attribuées à l’état névropathologique ou psychopathologique de la population.

Il ressort de l’histoire de Babylone, de Ninive, de Rome, de même que de celle des capitales modernes, que les grandes villes sont des foyers de nervosité et de sensualité dégénérée. À ce propos il faut rappeler que, d’après l’ouvrage de Ploss, les aberrations du sens génésique ne se produisent pas chez les peuples barbares ou semi-barbares, si l’on veut excepter

  1. Voy. Friedländer : Sittengeschichte Roms ; Wiedmeister : Cæsarenwahnsinn ; Suétone ; Moreau : Des aberrations du sens génésique.