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Page:Krafft-Ebing - Psychopathia Sexualis, Carré, 1895.djvu/195

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Elle commence là où la règle extérieure, les limites de la dépendance d’une partie sur l’autre ou de la dépendance mutuelle, tracées par la loi et les mœurs, sont transgressées à la suite d’une particularité individuelle due à l’intensité de mobiles qui en eux-mêmes sont tout à fait normaux. La servitude sexuelle n’est pas du tout un phénomène pervers : les agents moteurs sont les mêmes que ceux qui mettent en mouvement, quoique avec moins de vivacité, la vita sexualis psychique renfermée dans les limites et les règles normales.

La peur de perdre sa compagne, le désir de la contenter toujours, de la conserver aimable et disposée aux rapports sexuels, sont ici les mobiles qui poussent le sujet asservi.

D’un côté un amour excessif qui, surtout chez la femme, n’indique pas toujours un degré excessif de sensualité ; de l’autre, une faiblesse de caractère : tels sont les premiers éléments de ce processus insolite[1].

Le mobile de l’autre sujet, c’est l’égoïsme, qui peut se donner libre cours.

Les faits de servitude sexuelle sont très variés dans leurs formes, et leur nombre est très grand[2].

Nous rencontrons à chaque pas dans la vie des hommes tombés dans la servitude sexuelle. Il faut compter parmi les gens de cette catégorie les maris qui vivent sous la domination de leur femme, surtout les hommes déjà vieux qui

  1. Le fait le plus important, dans ces cas, c’est peut-être que l’habitude d’obéir développe une sorte de mécanisme d’obéissance inconsciente qui fonctionne avec une exactitude automatique et qui n’a pas à lutter contre des idées contraires, parce qu’il est au delà de la limite de la conscience nette, et qu’il peut être manié comme un instrument inerte par la partie régnante.
  2. Dans les littératures de tous les pays et de toutes les époques, la servitude sexuelle joue un grand rôle. Les phénomènes insolites mais non pervers de la vie de l’âme sont pour le poète des sujets heureux et qu’il lui est permis de traiter. La description la plus célèbre de la « servitude » chez l’homme, est celle de l’abbé Prévost dans sa Manon Lescaut. Une description parfaite de la servitude chez la femme se trouve dans le roman Leone Leoni, de George Sand. Il faut citer ici la Kæthchen von Heilbronn de Kleist, qui lui-même désigne cette pièce comme l’opposé de sa Penthésilée (sadisme), enfin la Griselidis de Halm et beaucoup d’autres poésies analogues.