Page:Krafft-Ebing - Psychopathia Sexualis, Carré, 1895.djvu/197

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parité et destinent déjà la femme à une grande dépendance.

Sa servitude deviendra encore plus grande par les concessions qu’elle fait à l’amant pour obtenir de lui cet amour qui pour elle ne peut se remplacer ; dans la même mesure où s’augmenteront les prétentions des hommes qui sont décidés à mettre à profit leurs avantages et à faire métier d’exploiter l’abnégation illimitée de la femme.

Tels sont : le coureur de dot qui se fait payer des sommes énormes pour détruire les illusions qu’une vierge s’était faite de lui ; le séducteur réfléchi et calculateur qui compromet une femme et spécule en même temps sur la rançon et le chantage ; le soldat aux galons d’or, l’artiste musicien à la crinière de lion qui savent provoquer chez la femme un brusque : « Toi ou la mort ! » un bon moyen pour payer les dettes ou pour s’assurer une vie facile ; le simple troupier qui, dans la cuisine, fait payer son amour par la cuisinière en bons repas ; l’ouvrier-compagnon qui mange les économies de la patronne qu’il a épousée ; et enfin le souteneur qui force par des coups la prostituée, dont il vit, à lui gagner chaque jour une certaine somme. Ce ne sont là que quelques-unes des diverses formes de la servitude dans laquelle la femme tombe forcément par suite de son grand besoin d’amour et des difficultés de sa position.

Il était nécessaire de donner une courte description de la servitude sexuelle, car il faut évidemment voir en elle le terrain propice d’où la principale racine du masochisme est sortie. La servitude ainsi que le masochisme consistent essentiellement en ce que l’individu atteint de cette anomalie se soumet absolument à la volonté d’une personne d’un autre sexe et subit sa domination[1].

On peut cependant faire une démarcation nette entre les

  1. Il peut se produire des cas où la servitude sexuelle se traduise par les mêmes actes que ceux qui sont particuliers au masochisme. Quand des hommes brutaux battent leurs femmes et que celles-ci le tolèrent par amour, sans cependant avoir la nostalgie des coups, il y a dans cette servitude un trompe-œil qui peut nous faire croire à l’existence du masochisme.