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Page:Krafft-Ebing - Psychopathia Sexualis, Carré, 1895.djvu/288

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imbibés d’eau ; alors on devient avant tout une femme qui a besoin d’aimer, et on n’est plus homme qu’en seconde ligne. Ce besoin est, il me semble, plutôt une langueur de concevoir que de coïter. L’immense instinct naturel ou plutôt la lubricité féminine refoule, dans ce cas, la pudeur, de sorte qu’on désire indirectement le coït. Comme homme, je n’ai désiré le coït que tout au plus trois fois dans ma vie, si toutefois c’était cela ; les autres fois j’étais indifférent. Mais dans ces trois dernières années, je le désire d’une manière passive, en femme, et quelquefois avec la sensation d’éjaculation féminine ; je me sens alors toujours accouplé et fatigué comme une femme ; quelquefois je suis, après l’acte, un peu indisposé, ce que l’homme n’éprouve jamais. Plusieurs fois il m’a fait tant de plaisir que je ne puis comparer à rien cette jouissance ; c’est tout simplement le plus grand bonheur de ce monde, une puissante sensation pour laquelle on est capable de sacrifier tout ; dans un moment pareil, la femme n’est qu’une vulve qui a englouti toute l’individualité.

Depuis trois ans, je n’ai pas perdu un seul moment le sentiment que je suis femme. Grâce à l’habitude prise, ce sentiment m’est moins pénible maintenant, bien que je sente depuis cette époque ma valeur diminuée ; car se sentir femme sans désirer la jouissance, cela peut se supporter, même par un homme, mais quand les besoins se font sentir, alors toute plaisanterie cesse ; j’éprouve une sensation cuisante, de la chaleur, le sentiment de turgescence dans les parties génitales. (Quand le pénis n’est pas érigé, les parties génitales ne sont plus dans leur rôle.) Avec cette forte impulsion, la sensation de turgescence du vagin et de la vulve est terrible ; c’est une torture d’enfer de la volupté, à peine peut-on la supporter. Quand, dans cet état, j’ai l’occasion d’accomplir le coït, cela me soulage un peu ; mais ce coït, puisqu’il n’y a pas conception suffisante, ne me donne pas une satisfaction complète ; la conscience de la stérilité se fait alors sentir avec toute sa dépression humiliante ; on se voit presque dans le rôle d’une prostituée. La raison n’y peut rien faire ; l’idée obsédante de la féminité domine et force tout. On comprend facilement combien il est dur de travailler à son métier dans un pareil état ; mais on peut s’y mettre en se violentant. Il est vrai qu’alors il est presque impossible de rester assis, de marcher, d’être couché ; du moins on ne peut supporter longtemps aucune de ces trois positions ; au surplus, il y a le contact continuel du pantalon, etc. C’est insupportable.