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Page:Krafft-Ebing - Psychopathia Sexualis, Carré, 1895.djvu/336

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J’avais quatre ans lorsque mon instinct génital commença à s’éveiller. Un homme de vingt et quelques années, qui jouait avec nous autres enfants et qui nous prenait sur ses bras, me donna l’envie de l’enlacer et de l’embrasser violemment. Ce penchant à embrasser sensuellement sur la bouche est très caractéristique dans mon état, car cette manière d’embrasser est chez moi le charme principal de ma satisfaction sexuelle.

J’ai éprouvé un mouvement analogue à l’âge de neuf ans. Un homme laid, même sale, à barbe rousse, m’a donné cette envie d’embrasser.

Alors se montra chez moi pour la première fois, un symptôme qu’on retrouve encore aujourd’hui : par moments les choses viles, même les personnes en vêtements sales et communes dans leurs manières, exercent un charme particulier sur mes sens.

Au lycée je fus, de onze à quinze ans, passionnément amoureux d’un camarade. Là aussi mon plus grand plaisir aurait été de l’enlacer de mes bras et de l’embrasser sur la bouche. Parfois j’étais pris pour lui d’une passion telle que je n’en ai jamais eu depuis de plus forte pour les personnes aimées. Mais, autant que je me rappelle, je n’eus des érections que vers l’âge de treize ans.

Durant ces années, je n’eus, comme je viens de le dire, que l’envie d’enlacer de mes bras et d’embrasser sur la bouche ; cupiditas videndi vel tangendi aliorum genitalia mihi plane deerat[ws 1]. J’étais un garçon tout à fait naïf et innocent, et j’ignorai, jusqu’à l’âge de quinze ans, tout à fait la signification de l’érection ; de plus, je n’osais pas même embrasser l’aimé, car je sentais que je faisais là un acte étrange.

Je n’éprouvais pas le besoin de me masturber, et j’eus la chance de ne pas y avoir été entraîné par des camarades plus âgés. En général, je ne me suis jamais masturbé jusqu’ici ; j’ai une certaine répugnance pour cela.

À l’âge de quatorze à quinze ans, je fus pris de passion pour une série de garçons dont quelques-uns me plaisent encore aujourd’hui. Ainsi, je fus très amoureux d’un garçon auquel je n’ai jamais parlé ; pourtant, j’étais heureux rien qu’en le rencontrant dans la rue.

Mes passions étaient de nature sensuelle ; cela ressort déjà du fait que, rien qu’en pressant la main de l’individu aimé et en le caressant, j’avais de violentes érections.

Mais mon plus grand plaisir a été toujours amplecti et os osculari[ws 2] ; je ne demandais jamais autre chose.

  1. je n’éprouve aucun désir de voir ou de toucher les parties génitales d’un autre
  2. d’enlacer et baiser sur la bouche