Page:Krafft-Ebing - Psychopathia Sexualis, Carré, 1895.djvu/343

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

pathiques, elle m’excite. Les baisers d’une prostituée qui sent le cigare augmentent ses charmes (d’abord pour cette raison particulière que cela me fait penser, bien qu’inconsciemment, aux baisers d’un homme). Ainsi, j’aimais particulièrement à embrasser mon amant quand il venait de fumer un cigare (il est à remarquer à ce propos que je n’ai jamais fumé ni un cigare, ni une cigarette ; je ne l’ai pas même essayé).

Je suis de grande taille, mince ; la figure a une expression virile ; l’œil est mobile ; l’ensemble de mon corps a quelque chose de féminin. Ma santé laisse à désirer, elle est probablement très influencée par mon anomalie sexuelle ; ainsi que je l’ai déjà mentionné, je suis très nerveux et j’ai par moments tendance à m’absorber dans la méditation. J’ai aussi des périodes terribles de dépression et de mélancolie, surtout quand je songe aux difficultés que j’ai à me procurer une satisfaction homo-sexuelle correspondant à ma nature, mais surtout quand je suis très excité sexuellement et que, devant l’impossibilité de me satisfaire avec un homme, je dois dompter mon instinct. Dans cet état, il se produit, conjointement à la mélancolie, une absence totale de désirs sexuels.

Je suis très courageux au travail, mais souvent superficiel, étant porté aux travaux très rapides avec une activité dévorante. Je m’intéresse beaucoup à l’art et à la littérature. Parmi les poètes et les romanciers, je suis le plus attiré par ceux qui dépeignent des sentiments raffinés, des passions étranges et des impressions insolites ; un style fignolé, affecté, me plaît. De même en musique, c’est la musique nerveuse et excitante de Chopin, Schumann, Schubert, Wagner, etc., qui me convient le mieux. Tout ce qui dans l’art est non seulement original, mais bizarre aussi, m’attire.

Je n’aime pas les exercices du corps et je ne les cultive pas.

Je suis bon de caractère, compatissant ; malgré les peines que me cause mon anomalie, je ne me sens pas malheureux d’aimer les jeunes gens ; mais je regarde comme un malheur que la satisfaction de cet amour soit considéré comme inadmissible et que je ne puisse obtenir sans obstacles cette satisfaction. Il ne me semble pas que l’amour pour l’homme soit un vice, mais je comprends bien pourquoi il passe pour tel. Comme cet amour est considéré comme un crime, je serais, en le satisfaisant, en harmonie avec moi-même, c’est vrai, mais jamais avec le monde de notre époque ; voilà pourquoi je serai fatalement et tou-