Page:Krafft-Ebing - Psychopathia Sexualis, Carré, 1895.djvu/365

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

avec elle. Alors des idées de divorce me viennent, ou je fais le projet de me suicider ou bien de partir pour l’Amérique.

Le malade, auquel je dois cette communication, ne présente à première vue aucun signe de son état. Il est d’un habitus[ws 1] tout à fait viril, porte une forte barbe, a la voix forte et grave, et les parties génitales tout à fait normales. Le crâne a une conformation normale ; les stigmates de dégénérescence manquent absolument ; seulement son œil, particulièrement nerveux, rappelle la névropathie. Les organes végétatifs fonctionnent normalement. Le malade présente les symptômes ordinaires d’une neurasthénie qu’on peut attribuer aux excès sexuels d’un homme ayant des besoins anormaux, dans ses rapports avec des personnes de son propre sexe, et aux influences nuisibles du coït forcé avec sa femme malgré son horror feminæ[ws 2].

Le malade déclare être né de parents sains et n’avoir dans son ascendance ni névropathes ni aliénés. Son frère aîné fut marié pendant trois ans. Le mariage fut dissous parce que l’époux n’avait jamais eu de rapports sexuels avec sa femme. Il se maria une seconde fois. La seconde femme aussi se plaignit d’être négligée par son mari ; mais elle a quatre enfants dont la légitimité n’est pas mise en doute. Une sœur est hystérique.

Le malade prétend avoir, étant jeune homme, souffert d’accès de vertige qui duraient plusieurs secondes et pendant lesquels il avait comme le sentiment que tout son être se désagrégeait. Il dit avoir été de tout temps très irritable, très émotif, et avoir eu de l’enthousiasme pour la poésie et pour la musique. Lui-même il dépeint son caractère comme mystérieux, anormal, nerveux, inquiet, extravagant et hésitant. Il est souvent exalté sans aucune raison, et ensuite déprimé sans motif, jusqu’à concevoir des idées de suicide. Il peut, par une transition rapide et subite, passer des sentiments religieux à la frivolité, de l’esthétique au cynisme, de la lâcheté à la provocation, de la crédulité bonasse à la méfiance, enfin de la tendance à faire du mal à autrui à celle d’être touché aux larmes du malheur des autres, d’être libéral jusqu’à la prodigalité et ensuite avare comme Harpagon. En tout cas, le malade est un être taré. Intellectuellement il semble être très bien doué ; aussi nous a-t-il affirmé avoir appris avec facilité et avoir toujours été parmi les premiers en classe.

Le mariage de cet homme ne fut pas heureux. Le malade est resté neurasthénique malgré qu’il n’ait que rarement accompli avec sa femme l’acte sexuel si inadéquat et si nuisible pour lui,

  1. manière d’être
  2. aversion des femmes