Page:Krafft-Ebing - Psychopathia Sexualis, Carré, 1895.djvu/377

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lui per os[ws 1]. De cette manière il aurait, en une seule soirée, séduit quatorze jeunes gens.

« N’ayant, dans aucun des ouvrages sur l’inversion sexuelle qui me sont tombés sous les yeux, rien trouvé sur les rapports des pédérastes entre eux, je voudrais vous donner, pour finir, encore quelques renseignements à ce sujet.

« Aussitôt que deux invertis font connaissance, ils échangent mutuellement des communications sur les incidents de leur passé, sur leurs amours et leurs conquêtes, à moins qu’une pareille conversation soit impossible par la grande distance sociale qui sépare un uraniste de l’autre. Ce n’est que rarement qu’on s’abstient d’une pareille conversation quand on fait une nouvelle connaissance. Entre eux, les invertis se désignent par le mot « tantes » ; à Vienne ils s’appellent « sœurs ». Deux prostituées viennoises, d’allures masculines, dont j’ai fait la connaissance par hasard, et qui ont entre elles des rapports d’inversion sexuelle, me racontèrent que, dans des circonstances analogues, les femmes se servent de la désignation d’« oncles ». Depuis que j’ai une conscience nette de mon état anormal, je suis entré en relations avec plus de mille individus, ayant des sentiments conformes à ma nature. Presque dans chaque grande ville il y a un lieu de réunion pour eux, ce qu’on appelle « un trottoir », un lieu de racolage. Dans les petites villes il y a relativement peu de « tantes » ; cependant, j’en ai trouvé huit dans une bourgade de 2 300 habitants ; dans une ville de 7 000 habitants dix-huit dont j’étais sûr, sans parler des autres que je soupçonnais. Dans ma ville natale, qui a 30 000 habitants, je connais personnellement environ cent-vingt tantes. La plupart ont la faculté, et pour ma part je la possède au plus haut degré, de juger du premier coup d’œil si un individu a nos tendances ou non, ou, pour employer l’argot des tantes, « s’il est raisonnable ou non raisonnable ». Mes amis étaient souvent étonnés de la sûreté extraordinaire de mon coup d’œil. Je reconnaissais au premier coup d’œil des « tantes » chez des individus qui, selon toute apparence, étaient organisés tout à fait virilement. D’autre part, j’ai tellement la faculté de me comporter virilement que, dans les cercles où je fus recommandé par des amis, on manifesta au premier abord des doutes sur l’authenticité de mon caractère. Quand je suis de mauvaise humeur, je peux me comporter tout à fait comme une femme. La plupart des « tantes », y compris moi, ne regardent pas leur anomalie comme un malheur ; ils regretteraient plutôt de voir

  1. par la bouche [fellation]