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pondance de sa femme avec cette amie, que cet échange de lettres ressemblait absolument à celui qui est en usage entre amoureux.

Mme R… devint enceinte. Pendant sa grossesse, les restes de sa dépression psychique et ses obsessions disparurent. Vers le 15 septembre, avortement environ à la neuvième semaine de la grossesse. À la suite, nouveaux symptômes d’hystéro-neurasthénie ; de plus antéflexion et latéroflexion à droite de l’utérus, anémie, atonie ventriculaire.

À la consultation, la malade fait l’impression d’une personne très tarée névropathiquement. L’expression névropathique de l’œil est manifeste. Habitus[ws 1] tout à fait féminin. Sauf un palais très étroit et très incurvé, il n’y a pas d’anomalies du squelette. Ce n’est que difficilement que la malade s’est décidée à faire des confidences sur son anomalie sexuelle. Elle se plaint d’avoir fait un mariage sans savoir ce que c’est que la vie conjugale entre homme et femme. Elle aime son mari cordialement à cause de ses qualités d’esprit, mais les rapports conjugaux lui sont un supplice ; elle n’y consent qu’à contre-cœur et sans en éprouver jamais la moindre satisfaction. Post actum[ws 2], elle est pendant des jours entiers tout à fait fatiguée et épuisée. Depuis l’avortement et l’interdiction du médecin de continuer les rapports conjugaux, elle se sent mieux, mais c’est l’avenir qui lui paraît terrible. Elle estime son mari, elle l’aime psychiquement, elle ferait tout pour lui, si seulement il voulait dorénavant l’épargner sexuellement. Elle espère qu’avec le temps elle pourrait devenir capable d’un sentiment sensuel pour lui. Quand il joue du violon, elle croit souvent qu’il surgit en elle un sentiment qui est plus que de l’amitié, mais ce n’est qu’un sentiment éphémère dans lequel elle ne voit aucune garantie pour l’avenir. Son suprême bonheur c’est sa correspondance avec son ancienne amante. Elle sent que c’est un tort, mais elle ne peut y renoncer ; sans cela elle se sentirait trop malheureuse.


Il faut noter comme très remarquable le fait que l’anomalie peut, pendant longtemps, se borner à une simple inversion du sentiment sexuel et que l’impulsion à une satisfaction perverse ne se manifeste qu’à la suite d’une cause occasionnelle, par exemple une séduction, ou d’une névrose qui vient de se déclarer. Ces cas peuvent être facilement con-

  1. manière d’être
  2. Après l’acte