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Page:Krafft-Ebing - Psychopathia Sexualis, Carré, 1895.djvu/574

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quefois avec brusquerie, et elle passe pour « folle » parmi eux.

Elle éprouva une affection extraordinaire, « aussi haut que ses souvenirs remontent », pour Freda W…, fille du même âge qu’elle et enfant d’une famille amie. Fr. était délicate et pleine de sentiment ; elle avait un caractère de fille ; l’affection existait des deux côtés, mais elle était beaucoup plus violente chez Alice ; elle s’accrut avec les années au point de devenir une passion. Un an avant la catastrophe, la famille W… transporta son domicile dans une autre ville. Al. resta plongée dans le chagrin le plus profond. Il s’engagea alors une correspondance tendre et amoureuse.

Deux fois Al. va faire une visite à la famille de Fr. ; alors les deux jeunes filles ont des rapports « d’une tendresse dégoûtante », comme l’affirment les témoins. On les voit des heures entières, couchées dans le même hamac, se pressant l’une contre l’autre et s’embrassant. « C’étaient des pressions et des baisers entre les deux filles à en avoir le dégoût ». Al. a honte de faire de pareilles choses en public ; elle en est blâmée par Fr.

Pendant une contre-visite de Freda, Alice essaie de la tuer ; elle veut, pendant que son amie dort, lui verser du laudanum dans la bouche ; la tentative échoua, car Fr. se réveilla.

Al. prend alors devant Fr. le poison et en est longtemps malade. Voici le mobile de la tentative d’assassinat et de suicide : Fr. avait manifesté de l’intérêt pour deux jeunes gens ; Al. déclara ne pouvoir vivre sans l’amour de Fr. ; « ensuite elle a voulu se suicider pour se délivrer de ses souffrances et rendre à Fr. sa liberté. » Après la guérison d’Al., la correspondance entre les deux amies reprend son cours et elle est plus que jamais remplie de protestations d’un amour passionné.

Bientôt après, Al. commence à développer à son amante son projet de l’épouser. Elle lui envoie une bague de fiançailles ; elle menace de la tuer en cas de rupture de promesse. Toutes les deux devaient prendre un pseudonyme et fuir ensemble à Saint-Louis. Al. voulait s’habiller en homme et chercher de l’ouvrage pour toutes les deux ; elle voulait aussi, si Fr. le désirait, se faire pousser des moustaches ; elle espérait obtenir ce résultat en se rasant.

Peu de temps avant la mise à exécution de la fuite de Fr., le plan est dévoilé ; la fuite est empêchée ; on renvoie à la mère d’Al. la bague de fiancée et d’autres reliques d’amour, et l’on interdit tout rapport entre les deux jeunes filles.