Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/109

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termes par un philosophe anglais, Bentham : — « Le philosophe qui désire réformer une mauvaise loi, — disait-il, — ne prêche pas l’insurrection contre elle… Le caractère de l’anarchiste est tout différent. Il nie l’existence de la loi, il en rejette la validité, il excite les hommes à la méconnaître comme loi et à se soulever contre son exécution. » Le sens du mot est devenu plus large aujourd’hui : l’anarchiste nie non seulement les lois existantes, mais tout pouvoir établi, toute autorité ; cependant l’essence en est restée la même : il se révolte, — et c’est par cela qu’il commence, — contre le pouvoir, l’autorité, sous n’importe quelle forme.




Mais ce mot, nous dit-on, éveille dans l’esprit la négation de l’ordre, partant, l’idée de désordre, de chaos ?

Tâchons cependant de nous entendre. — De quel ordre s’agit-il ? Est-ce de l’harmonie que nous rêvons, nous les anarchistes ? de l’harmonie qui s’établira librement dans les relations humaines, lorsque l’humanité cessera d’être divisée en deux classes, dont l’une sacrifiée au profit de l’autre ? de l’harmonie qui surgira spontanément de la solidarité des intérêts, lorsque tous les hommes feront une seule et même famille, lorsque chacun travaillera pour le bien-être de tous, et tous pour le bien être de chacun ? Évidemment non ! Ceux qui reprochent à l’anarchie d’être la négation de l’ordre ne parlent pas de cette harmonie de l’avenir ; ils parlent de l’ordre tel qu’on