Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/111

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insurgé aux portes du riche, le fantôme du peuple insurgé aux portes des gouvernants.

L’ordre, c’est une minorité infime, élevée dans les chaires gouvernementales, qui s’impose pour cette raison à la majorité et qui dresse ses enfants pour occuper plus tard les mêmes fonctions, afin de maintenir les mêmes privilèges, par la ruse, la corruption, la force, le massacre.

L’ordre, c’est la guerre continuelle d’homme à homme, de métier à métier, de classe à classe, de nation à nation. C’est le canon qui ne cesse de gronder en Europe, c’est la dévastation des campagnes, le sacrifice de générations entières sur les champs de bataille, la destruction en une année des richesses accumulées par des siècles de rude labeur.

L’ordre, c’est la servitude, l’enchaînement de la pensée, l’avilissement de la race humaine, maintenue par le fer et par le fouet. C’est la mort soudaine par le grisou, la mort lente par l’enfouissement, de centaines de mineurs déchirés ou enterrés chaque année par la cupidité des patrons, et mitraillés, pourchassés à la baïonnette, dès qu’ils osent se plaindre.

L’ordre, enfin, c’est la noyade dans le sang de la Commune de Paris. C’est la mort de trente mille hommes, femmes et enfants, déchiquetés par les obus, mitraillés, enterrés dans la chaux vive sous les pavés de Paris. C’est le destin de la jeunesse russe, murée dans les prisons, enterrée dans les neiges de la Sibérie, et dont les meilleurs, les plus purs, les plus dévoués représentants meurent par la corde du bourreau.

Voilà l’ordre !