Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/296

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


Surtout, il réveille l’esprit de révolte, il fait germer l’audace. — L’ancien régime, armé de policiers, de magistrats, de gendarmes et de soldats, semblait inébranlable, comme ce vieux fort de la Bastille qui, lui aussi, paraissait imprenable aux yeux du peuple désarmé, accouru sous ses hautes murailles, garnies de canons prêts à faire feu. Mais on s’aperçoit bientôt que le régime établi n’a pas la force qu’on lui supposait. Tel acte audacieux a suffi pour bouleverser pendant quelques jours toute la machine gouvernementale, pour ébranler le colosse ; telle émeute a mis sens dessus dessous toute une province, et la troupe, toujours si imposante, a reculé devant une poignée de paysans, armés de pierres et de bâtons ; le peuple s’aperçoit que le monstre n’est pas aussi terrible qu’on le croyait, il commence à entrevoir qu’il suffira de quelques efforts énergiques pour le terrasser. L’espoir naît dans les cœurs, et souvenons-nous que si l’exaspération pousse souvent aux émeutes, c’est toujours l’espoir, l’espoir de vaincre, qui fait les révolutions.

Le gouvernement résiste ; il sévit avec fureur. Mais, si jadis la répression tuait l’énergie des opprimés, maintenant, aux époques d’effervescence, elle produit l’effet contraire. Elle provoque de nouveaux faits de révolte, individuelle et collective ; elle pousse les révoltés à l’héroïsme, et de proche en proche ces actes gagnent de nouvelles couches, se généralisent, se développent. Le parti révolutionnaire se renforce d’éléments qui jusqu’alors lui étaient hostiles, ou qui croupissaient dans l’indifférence. La désagrégation gagne le gouvernement, les classes dirigeantes, les privilégiés : les uns poussent à la résistance à outrance, les autres se prononcent pour les concessions,