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Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/348

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Rappelons-nous la grande grève des mécaniciens de chemins de fer qui eut lieu en Amérique, il y a quelques années. La grande masse du public reconnaissait que leur cause était juste ; tout le monde était las de l’insolence des compagnies, et l’on se félicitait de les voir réduites à la merci de leurs équipes. Mais quand celles-ci, maîtresses des voies et des locomotives, eurent négligé de s’en servir, quand tout le mouvement des échanges se trouva interrompu, quand les vivres et les marchandises de toute espèce eurent doublé de prix, l’opinion publique changea de bord. « Plutôt les compagnies qui nous volent et qui nous cassent bras et jambes que ces jobards de grévistes qui nous laissent mourir de faim ! » Ne l’oublions pas ! Il faut que tous les intérêts de la foule soient sauvegardés et que ses besoins en même temps que ses instincts de justice soient pleinement satisfaits.

Toutefois, il ne suffit pas de reconnaître le principe, il faut l’appliquer.




On nous répète souvent : « Essayez donc de toucher au lopin de terre du paysan, à la bicoque du manouvrier, et vous verrez comment ils vous recevront : à coup de fourche et à coup de pied ! » Fort bien ! Mais, nous l’avons déjà dit, nous ne toucherons pas au lopin de terre ni à la bicoque. Nous nous garderons bien de nous attaquer à nos meilleurs amis, à ceux qui, sans le savoir aujourd’hui seront certainement nos alliés de demain. C’est à leur profit que se fera l’expropriation. Nous savons qu’il existe une moyenne de revenus au-dessous de laquelle on souffre de la disette, au-dessus