Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/87

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lucratif en politique, en journalisme. L’enfance même n’a pas été épargnée : on enrôle les bambins en bataillons, on les élève dans la haine du Prussien, de l’Anglais, de l’Italien ; on les dresse dans l’obéissance aveugle aux gouvernants du moment, qu’ils soient bleus, blancs, ou noirs. Et quand vingt et un ans auront sonné pour eux, on les chargera, comme des mulets, de cartouches, de provisions, d’ustensiles, on leur donnera en mains un fusil, et on leur enseignera à marcher au son du clairon, à s’égorger en bêtes féroces à droite et à gauche, sans jamais se demander pourquoi ? dans quel but ? Qu’ils aient devant eux des meurt-de-faim allemands ou italiens, ou bien même leurs propres frères ameutés par la disette, — le clairon sonne, il faut tuer !

Voilà à quoi aboutit toute la sagesse de nos gouvernants et éducateurs ! Voilà tout ce qu’ils ont su nous donner pour idéal, et ceci à une époque où les misérables de tout pays se tendent la main à travers les frontières !




« Ah ! vous n’avez pas voulu du socialisme ? Eh bien vous aurez la guerre, — la guerre de trente ans, de cinquante ans ! » disait Herzen après 1848. Et nous l’avons ; si le canon cesse un instant de tonner dans le monde, c’est pour reprendre haleine, c’est pour recommencer ailleurs et de plus belle, tandis que la guerre européenne, — la mêlée générale des peuples, — menace depuis dix ans, sans qu’on sache pourquoi l’on se battra, avec qui ? contre qui ? au nom de quels principes ? dans quel intérêt ?