Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/91

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les villes les va-nu-pieds campagnards, en enrichissant la bourgeoisie, vint donner un nouvel élan à l’évolution économique. Alors, la bourgeoisie anglaise s’en émut, bien plus encore que des déclarations républicaines et du sang versé à Paris ; secondée par l’aristocratie, elle déclara une guerre à mort aux bourgeois français qui menaçaient de fermer les marchés européens aux produits anglais.

On sait l’issue de cette guerre. La France fut vaincue, mais elle avait conquis sa place sur les marchés. Les deux bourgeoisies, anglaise et française, ont même fait un moment une touchante alliance : elles se reconnaissaient sœurs.

Mais, d’une part, la France dépasse bientôt le but. À force de produire pour l’exportation, elle veut s’accaparer les marchés, sans tenir compte du progrès industriel qui se propage lentement de l’Occident en Orient et gagne de nouveaux pays. La bourgeoisie française cherche à agrandir le cercle de ses bénéfices. Elle subit, pendant dix-huit ans, la botte du troisième Napoléon, espérant toujours que l’usurpateur saura imposer à l’Europe entière sa loi économique, et elle ne l’abandonne que le jour où elle s’aperçoit qu’il en est incapable.

Une nouvelle nation, en effet, l’Allemagne, introduit chez elle le même régime économique. Elle aussi dépeuple ses campagnes et entasse ses meurt-de-faim dans les villes, qui, en quelques années, doublent leur population. Elle aussi commence à produire en grand. Une industrie formidable, armée d’un outillage perfectionné et secondée par une instruction technique et scientifique semée à pleines mains, entasse à son tour des produits destinés non pas à ceux